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La désinvolture des hommes de 1975 sur la violence faite aux femmes

La désinvolture des hommes de 1975 sur la violence faite aux femmes

Cinq ans après #MeToo, il semblerait que le sexisme ne fléchisse pas en France, notamment chez les hommes de moins de 35 ans. C'est ce que révèle un rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, paru le 23 janvier. Des constatations qui ne sont pas sans rappeler les propos tenus par les hommes interrogés dans la rue, il y a près de 50 ans !

Par Florence Dartois - Publié le 23.01.2023
Les femmes battues - 1975 - 04:03 - vidéo
 

L'ACTU.

Dans son rapport annuel publié le 23 janvier sur l’état des lieux du sexisme en France, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) révèle que le « le sexisme ne recule pas en France. Au contraire… ». Ce rapport décrit les perceptions de l’opinion publique face aux inégalités entre les femmes et les hommes et évalue le degré de sexisme de la population. Il se base sur les résultats d’un sondage réalisé avec Viavoice sur un panel représentatif de 2500 personnes âgées de 15 ans et plus. Ses conclusions sont alarmistes. Il révèle notamment la présence de « réflexes masculinistes » chez les jeunes hommes de moins de 35 ans. Certains hommes interrogés déclarant ne pas « se sentir concernés », ou personnellement responsables de conduites sexistes. Plus inquiétant encore, un quart d’entre eux, pensent qu’on « en fait trop sur les agressions sexuelles ». Des résultats qui résonnent étrangement avec les propos tenus en 1975 par des hommes interrogés dans la rue sur les violences conjugales. À l'époque, les violences conjugales étaient clairement banalisées, voire sujettes à l'ironie.

L'ARCHIVE.

L’archive en tête d’article est un micro-trottoir diffusé dans le magazine télé « Aujourd'hui madame » le 5 décembre 1975. L'émission était consacrée ce jour-là aux femmes battues. Si la majorité des quidams interrogés réfutait battre ou avoir déjà battu leur femme, certains le revendiquaient sans complexe, maniant l'ironie avec assurance, la plupart considérants finalement cela comme normal, « une petite gifle » ne portant pas à conséquence à leurs yeux.

Ainsi ce vieil homme qui déclarait rigolard : « Ce n'est pas d'aujourd'hui », ou cet autre tout aussi fataliste : « ça a toujours existé. Des femmes battues, il y en aura toujours ! ». Plusieurs de ces inconnus se défaussaient en évoquant l'existence des hommes battus, « moi, j'ai entendu, je n'ai pas vu, mais il y a certaines femmes en colère qui balancent une fourchette, une assiette sur la tête de leurs maris » et en se victimisant, « des hommes battus, il n’y en aura certainement pas plus que les femmes, mais des hommes malheureux, il y en a peut-être plus que des femmes ».

Ceux qui expliquaient rejeter la violence, trouvant cela « insupportable » ou « inadmissible », évoquaient ce sujet grave avec une certaine désinvolture. Les femmes battues, il y en avait, certes, mais le phénomène était clairement minoré, à l'image de cet homme qui expliquait de bonne foi que la violence faite aux femmes était inhérente aux « relations entre les êtres humains ».

La violence banale du patriarcat

Face caméra, la plupart des hommes interrogés juraient pourtant ne « jamais » avoir levé la main sur leur femme. « Personnellement, je ne bats pas la mienne, bien que parfois j’en ai envie », peut-on toutefois entendre. Et si certains avouaient avoir été violents avec leur épouse, c'était toujours du bout des lèvres tel celui-ci qui s'était « disputé » avec son épouse, et « un coup malheureux (…) un coup de colère » était parti. Un autre déclarait qu’elle le méritait, mais que cela se limitait à « de petites gifles, quatre fois rien ». D'autres allaient plus loin en expliquant doctement que les femmes les réclamaient : « Y’en a qui aiment ça », ou encore, « si je tapais ma femme, je suis sûr qu’elle me ferait mieux l’amour ». Quand le dialogue n’était pas possible, il fallait bien « leur faire entrer à coups de poing ».

Il faudra attendre la fin du micro-trottoir pour entendre une analyse plus fouillée de cette violence intrinsèque dans le couple, avec un passant qui soulignait la marque d'une sorte de déshumanisation de la femme et reconnaissait que cette violence était le fruit du « vieux statut patriarcal de l'homme ».

Malgré la libération de la parole à travers le mouvement #MeToo, l'accession au pouvoir des femmes ou les mesures prises à la suite du Grenelle des violences conjugales, le rapport dresse le constat d’une société française toujours sexiste où « les femmes restent inégalement traitées par rapport aux hommes, et elles restent victimes d’actes et propos sexistes dans des proportions importantes ». Dans ce rapport, il est d'ailleurs précisé que les derniers chiffres du ministère indiquent une augmentation de 21 % du nombre de victimes de violences conjugales entre 2020 et 2021.

D'autres extraits de cette émission

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