Aller au contenu principal
1961 : le Météotron, ce procédé météorologique qui devait faire tomber la pluie

1961 : le Météotron, ce procédé météorologique qui devait faire tomber la pluie

La sécheresse hivernale qui sévit sur la France met à mal les nappes phréatiques compromettant cultures, élevages et approvisionnement en eau douce. Le remède serait la pluie, mais comment la faire tomber ? Dans les années 1960, un physicien français testait une invention révolutionnaire, mais pas très écolo,  capable de générer des cumulus.

Par Florence Dartois - Publié le 28.02.2023
 

Mettre un terme à la sécheresse et aux famines, l'humanité en rêve depuis qu'elle cultive et qu'elle élève du bétail. Autrefois, on priait ou on dansait pour appeler la pluie, avec l'avènement de la science, l'intention reste la même, mais les méthodes ont changé, c'est que nous allons découvrir en archives avec un exemple particulièrement intéressant, celui du Météotron qui défraya la chronique au début des années 1960.

En France, sur le plateau de Lannemezan, en région Occitanie, le physicien-météorologue Henri Dessens, travaillant pour l'Institut de physique de l'atmosphère dans les Hautes-Pyrénées, avait mis au point un dispositif capable, selon lui, de générer de la pluie. Il avait largement médiatisé son innovation, n'hésitant pas à effectuer des tests devant les caméras des télévisions et médias venus nombreux. Son invention suscitait l'espoir. Elle consistait en une impressionnante « batterie de brûleurs alimentés par du fioul » dont la fonction était de créer des nuages.

Le journal des « Actualités Françaises » allait lui consacrer un sujet dès novembre 1961. L'archive en tête d'article dévoile l’aspect du Météotron. Il se composait d’« une centaine de brûleurs » reliés par « 700 mètres de tuyaux » à des réservoirs contenant « trois tonnes de gasoil ». Une « chaudière à mazout géante », comme le résumait avec humour le journaliste. De fait, les images montraient un homme se déplaçant rapidement entre les réservoirs pour les allumer à la suite.

Du fioul contre de l'eau

L’installation était censée générer une énorme source de chaleur et un nuage, un cumulus, chargé d’eau née de la condensation. Pour plus de clarté, une animation décrivait le processus de fabrication du nuage qui se formerait dans les masses froides de l’atmosphère. Il suffisait ensuite de pulvériser de l’iodure d’argent sur ce nuage artificiel pour déclencher la pluie. Une révolution, car avec cette technique, l’humidité et la fertilité des sols seraient assurées, où que l'homme le souhaite.

Cette extraordinaire invention allait être exposée plusieurs mois durant dans la presse ou à la télévision. Quelques mois après ce sujet des « Actualités Françaises », en mai 1962, « Visa pour l’avenir », le grand magazine scientifique de la première chaîne de l’ORTF, envoyait son reporter Roger Louis sur place pour en apprendre davantage sur ce procédé.

Inspiré des faiseurs de pluie africains

Sur le plateau de Lannemezan, le journaliste allait s'entretenir longuement avec le physicien. Dans l’archive ci-dessous, le professeur Dessens lui dévoilait qu’il s’était inspiré des feux de brousse des faiseurs de pluie d’Afrique équatoriale (notamment le Congo) pour mettre au point sa machine. Le physicien expliquait qu'en générant de grands feux de brousse, les indigènes provoquaient parfois l’arrivée de nuages et quelquefois de pluie. Sans le savoir, ils reproduisaient un phénomène physique responsable de l’apparition des cumulus. Henri Dessens utilisait le même procédé physique, mais à une échelle bien plus imposante, avec sa « gigantesque chaudière » au fioul.

Il l’assurait, même par ciel bleu, il était capable de créer un nuage. Pour la pluie, il était moins affirmatif, précisant qu’il était « possible de faire pleuvoir », mais que la difficulté en Occitanie, c'était qu’il n’y avait pas assez d’humidité dans l’air contrairement à l'Afrique équatoriale.

Un procédé gourmand en énergie

Dans l'archive ci-dessous, toujours extraite de la même émission, Henri Dessens détaillait son installation à Roger Louis, lui expliquant que l'énergie produite était aussi puissante que l’énergie d'une grosse centrale électrique (700 000 kw) et consommant une quantité faramineuse de carburant : « une tonne de gasoil à la minute ». Filmé, le système en action générait en effet un énorme nuage de fumée noire, certainement plus polluante qu’efficace. Pourtant ce jour-là, il ne pleuvrait pas sur le plateau pyrénéen vraisemblablement asphyxié.

Présentation du météotron
1962 - 02:00 - vidéo

Science sans conscience...

Pour conclure l'émission, la parole était laissée à un autre physicien du climat, le professeur Quenet, lui, semblait sceptique quant à l'issue de ce type de projet visant à modifier le climat. Sur un ton mêlant désabusement et humour le scientifique mettait en garde contre les dangers et les « résultats catastrophiques imprévus » de ces expérimentations hasardeuses, pointant les risques de conflits internationaux. S'il estimait qu'il serait plus sage de ne pas intervenir sur le temps, il ajoutait qu’«irrémédiablement» l’homme ferait « des choses catastrophiques » qu’on pourrait « difficilement éviter ».

Météotron et itw Prof Quenet
1962 - 05:35 - vidéo

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.