Aller au contenu principal
La ligne Bordeaux-Lyon, symbole du déclin des liaisons ferroviaires transversales

La ligne Bordeaux-Lyon, symbole du déclin des liaisons ferroviaires transversales

Railcoop, la société qui devait assurer le renouveau de la liaison ferroviaire Bordeaux-Lyon, attend d'être placée en liquidation judiciaire. De la ligne florissante des années 1950 à la disparition de la liaison directe entre les deux métropoles au début des années 2010, retour en archives sur l'histoire d'un déclin.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 15.04.2024
 

L'ACTU.

Historiquement centralisé au départ de Paris, le réseau ferroviaire français a fait des liaisons transversales des axes secondaires. Parfois même délaissés, au profit de correspondances plus locales. C'est en particulier le cas de ligne qui relie Bordeaux à Lyon, dont le dernier projet de reprise devrait se solder par la liquidation judiciaire de Railcoop, la coopérative qui devait en assurer le renouveau.

LES ARCHIVES.

1955 : les « Actualités françaises » vantaient le déploiement de l'autorail pour les liaisons ferroviaires de grandes distances. Dans cette archive en tête d'article, les spectateurs découvraient une rame « ultra-moderne » qui devait relier Bordeaux à Lyon à la vitesse de 120 km/h en passant par le Massif central. Repas à bord, aération de qualité, stabilité et larges baies sur les paysages du centre de la France, le commentaire assurait : « Lorsque les micros annonceront que Bordeaux est en vue, on évoquera un air célèbre, "Nous avons fait un beau voyage" ». Le début d'un âge d'or pour les liaisons transversales.

À partir de 1973, ces rames à grand parcours furent remplacées par des rames à turbine à gaz, aussi appelées turbotrains. Cette nouveauté semblait ravir les responsables locaux, comme le montrait l'archive ci-dessous. « Les lignes de Lyon à Bordeaux ne sont que très partiellement, voire presque pas électrifiées » d'où la nécessité de ce genre de trains, leur expliquait-on. On leur assurait également une vitesse moyenne augmentée de 80 km/h à 86 km/h et un prix du voyage stable.

Le turbotrain en service lundi
1974 - 00:00 - vidéo

La concurrence de l'avion pour les longues distances

Avec la construction d'autoroutes, comme l'A89 à partir de 1991, et le développement des liaisons aériennes transversales, le train fut progressivement concurrencé. À l'inverse, le manque d'investissements sur le ferroviaire dans ces zones ne permit pas l'amélioration des temps de trajet, rendant moins attractif le choix du rail sur de longues distances.

Dans les années 1990 donc, certains trajets Bordeaux-Lyon via Limoges et Guéret furent supprimés. Dans l'archive de 1992 ci-dessous, l'arrivée de l'hiver marquait la suppression d'une liaison matinale. La SNCF garantissait un maximum de 30 personnes affectées. Le turbotrain, justifiait le commentaire, était « directement concurrencé par la route et par l'avion. » Explication, peut-être, du « déficit chronique de la ligne estimé à 50 millions de francs » que cette suppression devait permettre de faire baisser à 40 millions.

SNCF : nouveau horaires Bordeaux-Lyon
1992 - 00:00 - vidéo

« Mais, on ne s’arrêtera probablement pas là. » Les responsables de la SNCF alertaient : l'entreprise de transport ne peut pas être la seule responsable de l'aménagement du territoire. « Les régions seront donc très probablement invitées à subventionner tout ou partie de cet axe Bordeaux-Lyon que la SNCF, à l'évidence, ne considère plus comme une grande ligne », concluait le commentaire. En 1994, la SNCF supprimait de nouveau un aller-retour et réduisait le nombre de voitures de ses trains.

« Maintenir et moderniser la ligne Bordeaux - Lyon est sans exagérer vitale pour les territoires qu’elle dessert et auquel appartiennent des centaines et des centaines de villes et de communes. » En 1996, la situation était telle qu'à Guéret, l'une des villes de passage du Bordeaux-Lyon, avait lieu une manifestation pour la sauvegarde de cette ligne « qui, il faut le reconnaitre, fait figure de parent pauvre de la SNCF ». Parmi les revendications, pour faire revenir les voyageurs : le maintien des liaisons de nuit, l'électrification de la ligne et la baisse des temps de trajet.

Et surtout, la prise de responsabilité de l'État et des régions dans le financement de la ligne. À la question de la rentabilité du Bordeaux-Lyon, les acteurs locaux opposaient l'équilibre des territoires et le désenclavement.

La fin du Bordeaux-Lyon

2004 signait la fin des turbotrains. Les nouvelles rames tractées, plus lentes, virent les habitués de la ligne diminuer en nombre.

En 2012, du fait de travaux sur la ligne, la liaison quotidienne via Limoges fut supprimée. Dans l'archive de 2014 ci-dessous, les usagers s’insurgeaient : « On nous a annoncé d'abord que l’interruption pour travaux, c'était un an, puis c'est passé à deux ans. Et puis aujourd'hui c'est toujours supprimé. Ce n'est pas normal, il faut quand même pouvoir assurer un minimum de liaison ». Alain Le Vern, directeur général Régions et intercités (le nom des trains interrégionaux depuis 2006), rétorquait à l'époque que la liaison Limoges et Lyon serait rétablie.

Suppression ligne SNCF Limoges-Lyon ?
2014 - 00:00 - vidéo

En février 2015, dans le journal local La Montagne Gilles Pallier, le vice-président de Creuse Grand Sud en charge des transports, semblait encore certain d'une réouverture prochaine : « J'ai une lettre d'Alain Le Vern, directeur des trains Intercités à la SNCF qui me confirme que la ligne va rouvrir en 2016 ».

Sauf qu'en mai de la même année, un rapport du député Philippe Duron sur les trains d'équilibre du territoire (TET) dont fait partie le Bordeaux-Lyon notait : « Avec deux dessertes hebdomadaires sur la branche Sud [via Brive-la-Gaillarde] et jusqu’en 2012 un aller-retour quotidien au Nord [via Limoges], les trafics y étaient auparavant faibles, voire très faibles, et peu de voyageurs empruntaient l’une ou l’autre branche de bout-en-bout, en raison de temps de parcours dissuasifs dus à la configuration et à l’état des voies. » De plus, le Lyon-Bordeaux était, selon ce même rapport, le train le plus subventionné de France, de l'ordre de 275 euros par passager.

Pour la branche Sud bloquée depuis 2014 pour des raisons d’infrastructures, « aucune réouverture du tronçon de ligne inutilisable (Ussel – Laqueuille) » n'étant prévue, le rapport préconisait une desserte routière. Et pour la branche Nord, de proposer une coordination de trains régionaux. C'était la fin de l'Intercités Bordeaux-Lyon.

Faire revivre la ligne

« L'objectif, c'est de desservir les territoires ruraux » : en 2021, une coopérative annonçait vouloir faire reprendre le trafic entre Bordeaux et Lyon, sur le tronçon passant par Limoges. Dans cette archive disponible ci-dessous, Railcoop promettait que les premiers voyageurs pourraient embarquer au printemps 2022.

Un projet qui a donc échoué, du fait, notamment de problèmes financiers. En avril 2024, Railcoop attendait d'être placée en liquidation judiciaire.

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.