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Donner le nom du père à l'enfant : une tradition du Moyen-âge

Donner le nom du père à l'enfant : une tradition du Moyen-âge

Un décret présenté au ministre de la Justice cette semaine pourrait bien instaurer l'automatisation du double-nom à la naissance. En France, 80% des parents donnent toujours systématiquement le nom du père à l'enfant. Une tradition patriarcale très ancienne.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 27.05.2021 - Mis à jour le 27.05.2021
Le nom de famille - 1985 - 02:07 - vidéo
 
Un décret présenté au ministre de la Justice cette semaine pourrait bien instaurer l'automatisation du double-nom à la naissance. En France, 80% des parents donnent toujours systématiquement le nom du père à l'enfant. Une tradition patriarcale très ancienne et abandonnée dans la plupart des pays européens.

Un décret pour modifier la loi, défendu par le député LREM Patrick Vignal, doit être présenté cette semaine au garde des Sceaux. Une proposition appuyée par le collectif "PorteMonNom" dont la pétition rassemblait déjà, ce mardi 25 mai, plus de 7 000 signatures. Sur son site, le collectif rappelle que "la loi du 4 mars 2002 permet, à la naissance, aux parents de choisir quel nom transmettre: celui du père, celui de la mère, ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par les parents. En cas de désaccord entre les parents, l'enfant porte le seul nom du père. Puis la loi Taubira du 17 mai 2013 prévoit qu’en cas de désaccord ou d'absence de choix des parents, l'enfant doit porter les premiers noms de chacun de ses parents, accolés dans l'ordre alphabétique." Le fait de donner systématiquement le nom du père à un enfant peut comporter des effets délétères auxquels les mères sont confrontées, soit après un divorce, soit lorsqu'elle vivent en union libre : l'obligation de prouver son identité et son lien de parenté pour récupérer son enfant à la sortie de l'école, l'emmener en voyage ou se munir du livret de famille pour n'importe quelle démarche administrative.

"C'est une coutume qui remonte au moyen âge"

La question du "double-nom" est ancienne, elle avait déjà été abordée en 1985. A l'époque, Yvette Roudy, ministre des Droits de la femme dans le gouvernement Fabius, avait souhaité donner la possibilité aux parents de choisir l'un ou l'autre de leur nom de famille, voire d'accoler les deux pour constituer l'état civil de leur enfant. A l'époque, 45% des Français se déclaraient favorables "au nom à la carte". Autre allié de poids, la psychanalyse, qui assurait dans un rapport, qu'il n'y avait aucun danger à rattacher l'enfant aux noms des deux parents. Ce reportage du 27 février 1985, de FR3, s'interrogeait sur la raison pour laquelle l'enfant recevait systématiquement le nom de son père et la réponse apportée par l'avocate Colette Auger avait de quoi étonner. Soutenant la ministre, elle proposait que l'enfant "légitime ou naturel" porte le nom de ses deux parents. A la génération suivante, il ne transmettrait qu'un seul patronyme pour éviter les pedigrees à rallonge. Au cours de interview, elle dévoile une information sidérante sur cette pratique ancestrale qui n'a rien de légale ou de juridiquement justifiée : "C'est une coutume qui remonte au Moyen-âge. J'ai fait X vérifications, tellement la chose peut paraître énorme (…) il n'y a pas un texte dans le code civil qui dit que l'enfant légitime portera le nom de son père !" Le reportage nous apprend encore que la pratique du double nommage existe déjà en Espagne et au Portugal. En Allemagne fédérale (RFA), les parents choisissaient le ou les noms qui devront figurer sur l'état civil de l'enfant.

Aujourd'hui encore, selon l’Insee, environ 80 % des parents choisissent de donner le nom du père au nouveau-né. Par habitude. L'idée du collectif "PorteMonNom" et du député LREM de l’Hérault Patrick Vignal est de créer un décret pour modifier la loi et d'instituer l'automatisation du double nom dans l’état civil à la naissance, dans l’ordre choisi par les parents, ou l’ordre alphabétique en cas de désaccord. A charge à l'enfant, à sa majorité, de modifier son état civil s'il le souhaite. En 2019, 12% des enfants portaient le nom de leur père et de leur mère.

Florence Dartois

Pour aller plus loin :

20 heures le journal : Nom de famille, proposition de loi votée. Description de la loi adoptée sur les noms de famille et proposée par le député socialiste Gérard Gouzes. (8 février 2001)

20 heures le journal : Droit européen, nom de famille. Reportage. Dans le cadre de la proposition de loi sur le choix du nom de famille, tour d'horizon de la législation en vigueur dans différents pays d'Europe, notamment en Suède. (8 février 2001) 

19/20 Edition nationale F3 : Nom de l'enfant au choix. Reportage dans une maternité d'Amiens où de jeunes parents réagissent à une nouvelle réforme permettant aux nouveaux nés de porter le nom paternel ou maternel. Et inquiétude chez les notaires et les généalogistes. (1er janvier 2005) 

20 heures le journal F2 : Bilan sur la réforme sur le nom de famille. Reportage. Bilan de la réforme sur le nom de famille, rentrée en vigueur depuis janvier 2005 et permettant la transmission du nom de la mère. Interviews d'un couple de jeunes parents "traditionalistes", d'un agent administratif de l'hôpital d'Antony et de Jean-Marie Andriveau, généalogiste qui crie au "casse-tête". (2 janvier 2006)

20 heures F2 : Débat sur la transmission du nom de famille aux enfants. Reportage s'intéressant à l'un des débats provoqués par le vote de la loi sur le "Mariage pour tous" qui porte sur l'attribution du nom de famille aux enfants. Pour prendre en compte le cas d'un couple homosexuel qui adopte, les noms des deux parents seront désormais automatiquement accolés. Dans l'hémicycle, débats et fou-rires alternent dont celui de Christine Taubira. (5 février 2013)


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