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Bérurier noir : leader du punk français et «groupe du genre humain»

Bérurier noir : leader du punk français et «groupe du genre humain»

En juin 2021, deux des ex-membres de ce groupe de rock alternatif faisaient don de leurs archives à la BNF. Vendredi 11 mars, l'institution présente cette donation exceptionnelle lors d'un colloque public. Rencontre avec les « Bérus » en 1988, en pleine apogée, à quelques mois de leur séparation.

Par Florence Dartois - Publié le 27.07.2021 - Mis à jour le 10.03.2022
Bérurier noir - 1988 - 03:33 - vidéo
 

En juin 2021, Fanfan, né François Guillemot, et Masto, de son vrai nom Tomas Heuer, deux des membres fondateurs du groupe punk Bérurier noir, ont fait un don exceptionnel à la BNF. Vingt-deux cartons regorgeant de trésors : manuscrits musicaux, costumes de scène, partitions, carnets de notes, maquettes et dessins originaux des pochettes d'album ou d'affiches, costumes de scène ou enregistrements sonores, sans oublier les photographies. Une manne couvrant une période allant de 1977 à 2020. Vendredi 11 mars, lors d'un colloque ouvert au public, l'institution parisienne va détailler cette donation faite au département musique de la Bibliothèque Nationale de France.

Salut à toi, Porcherie, Petit agité... Au cœur des années 80, une troupe de musiciens originaires de Paris arpentent les scènes underground de la capitale. Dans la rue, les amphis des facs ou dans le métro, ils distillent leur musique punk et leurs textes engagés... Le groupe est né le 19 février 1983 comme le racontait Fanfan, aujourd'hui historien et ingénieur de recherche au CNRS à Lyon, dans cette interview accordée à franceinfo en novembre 2013 : « Les Bérurier noir sont nés sur un deuil » lors d'un « concert hommage à l'ancien groupe des Bérurier (…) On était des cas sociaux, issus de milieux petits bourgeois éclatés ou de familles éclatées d'ouvriers », confie l'ancien punk. Mais un punk contre la violence, qui ne fumait pas ni ne buvait. « Il y avait un décalage entre l'image et les messages véhiculés, la musique dure et ce que nous étions », insiste François Guillemot avant d'ajouter : « On a toujours dit qu'on n'était pas un groupe violent, on mettait en scène l'énergie. »

En 1986, Salut à toi marque le début de leur notoriété, confirmée en 1987 avec L'Empereur Tomato Ketchup. Les « Bérus » comme les appellent leurs fans deviennent en quelques années le groupe leader de la scène indépendante française. Sans maison de disque, mais à grand renfort de créativité et d'authenticité. Ils vont représenter le fer de lance du rock alternatif. Au chant, Fanfan, à la guitare, Loran. Ces deux-là n'ont pas leur langue dans leur poche et savent très bien faire passer leur message libertaire.

C'est ce que l'on découvre dans cette interview proposée en tête d'article et diffusée dans l'émission « 24h sur A2 », le 2 mars 1988, juste avant un concert au Zénith, devant 6000 personnes.

Nous retrouvons la bande devant la vitrine d'un pâtissier, avant qu'ils ne dégustent chez eux des tonnes de gâteaux. Car les « Bérus » sont gourmands. Loran, le guitariste, revient sur le sens de leur nom de scène, Bérurier noir : « Béru, c'est vraiment le Français qui ne se lave pas, répugnant » Et puis « noir », « c'est les choses qu'on nous cache, la mafia (…) C'est la nuit, c'est les dessous de table, c'est les mains qu'on graisse, c'est les prisons, les hôpitaux… nous, on gratte un peu le noir et on voit des choses et on en parle, quoi ! »

Le groupe se veut libre. Attachés à leur indépendance et à la sincérité, ils ont créé leur propre label. C'est à François de décrire leur credo : « On est un groupe du genre humain et on voudrait faire passer quelque chose d'humain. C'est-à-dire, casser les ghettos, faire le contraire de ce que fait le pouvoir et l'argent dans ce monde, c'est-à-dire casser les ghettos et ouvrir des portes à la création. »

Pour commencer, ils vont casser les prix des places de concert. Les tickets du Zénith sont à 50 francs, une partie de la recette sera reversée aux mal-logés. D'ailleurs leur producteur, Patrick Jammes, (Lemming Production), 22 ans, a pris des risques, mais il assume : « On n'a pas besoin de faire des concerts à 120 francs, on couvre les frais à 50 francs », précise-t-il. « C'est sûr, les artistes et les producteurs que nous sommes, on gagne moins d'argent, mais ceci dit c'est viable". Sans campagne de pub ou de label, les « Bérus » avaient alors déjà vendu près de 200 000 disques en France.

Cette interview bon enfant se déroulait un peu plus d'un an avant leurs adieux. Le 9 novembre 1989, le groupe allait s'auto-dissoudre à l'Olympia. Ils se reformeront pour quelques concerts en 2003 avant de se séparer définitivement en 2009.

Pour aller plus loin :

Décibels : Interview des Bérurier noir, groupe en vue de la scène alternative. « On est plus une troupe qu'un groupe ». Le groupe Bérurier noir explique son mode de fonctionnement. Les concerts dans des squats, leurs prix modérés. (23 février 1986)

Antenne 2 midi : Les Bérurier noir au Printemps de Bourges. Groupe auto-produit qui se moque de la société de consommation, mais qui tourne beaucoup. Reportage à Bourges. Ils s'engagent avec la chanson La jeunesse emmerde le Front national. (25 avril 1987)

Actualités régionales Île de France : le groupe Bérurier noir au Zénith. « Le métissage comme étendard et la prise de conscience en bandoulière, la musique rock n'est que prétexte au message ». (3 mars 1988)

A2 Le Journal 20H : A2 Le Journal 20H. Les adieux du groupe Bérurier Noir. Le groupe de rock alternatif français fait ses adieux à l'Olympia. Quid dans le reste du secteur alternatif ? François Hadji-Lazaro du label Boucherie Production affirme continuer le combat. Focus sur le groupe la Mano Negra qui a fait un autre choix, celui de signer avec un gros label (Virgin). (9 novembre 1989)

19-20 H Locale Iroise : portrait du groupe Les Ramoneurs de Menhirs. Bref extrait en concert à Quimperlé pour le lancement du festival Taol Kurunde. A l'affiche : Les Ramoneurs de Menhirs, un groupe anarcho-punk Breton avec Loran, ex membre du groupe Bérurier noir. (14 janvier 2008)

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