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Le Beaujolais nouveau en 1984 : «beaujolfric» ou «beaujolfête» ?

Le Beaujolais nouveau en 1984 : «beaujolfric» ou «beaujolfête» ?

Le troisième jeudi de novembre, on fête l'arrivée du Beaujolais nouveau. Cette année, l'ouverture des premières bouteilles a lieu le jeudi 17 novembre. Mais, savez-vous d'où vient cette tradition ? Comment accueillait-on ce breuvage populaire auparavant ? Retour en 1984.

 

Par Florence Dartois - Publié le 17.11.2020 - Mis à jour le 17.11.2022
Le Beaujolais, beaujolfric - 1984 - 12:37 - vidéo
 

L'ACTU.

Comme chaque année depuis 1985, le Beaujolais nouveau a lieu le troisième jeudi du mois de novembre. Lancement, donc, ce jeudi 17 novembre, de ce vin originaire du nord de Lyon, produit au sein des appellations d'origine contrôlée beaujolais et beaujolais-villages.

L'ARCHIVE.

Le Beaujolais nouveau vient de réclamations des producteurs de vin. En 1951, un arrêté interdisait aux vignerons de sortir leur production d'appellation d'origine contrôlée avant le 15 décembre. Certains d'entre eux contestèrent alors cette décision. Ils obtinrent une dérogation et même l'autorisation de mettre en vente leur production en amont de cette date. C'est la naissance des appellations beaujolais et beaujolais-villages ainsi que l'entrée dans la tradition vinicole française du Beaujolais nouveau.

En novembre 1984, le magazine d'actualités « Samedi Magazine » d'Antenne 2, se rendait à Vaux-en-Beaujolais, capitale de la dive bouteille, pour assister aux célébrations du cru local. Après la chanson traditionnelle de la confrérie du Beaujolais, le maire de la ville prononçait tant bien que mal son discours d'accueil. Une courte déclaration saluée par les tintements de verres remplis que les invités entrechoquent gaiement.

« Pas besoin de relations publiques ou d'études de marchés, les gars du Beaujolais ont ça dans la peau. Et c'est sans doute l'explication de leur succès jalousé », précisait d'emblée le commentaire. Le reportage se poursuivait à Clochemerle-en-Beaujolais, ou plus précisément, devant la pissotière du pays. Lieu de passage obligé après une dégustation en règle.

Un vin populaire

« Pour élaborer une bonne cuvée, le négociant ira chercher dans des vignes basses, la finesse, dans des vignes hautes, le nerf. » La caméra zoomait sur les installations modernes pour filtrer le vin. « Le négociant ne parle pas d'élevage comme pour les grands crus, mais de formation accélérée. »

Derrière le folklore se cachait donc toute une chaîne de production : « Le primeur s'élabore dans ces caves en six semaines, un peu comme le champagne, le beaujolais primeur est un vin de mélange. » Les images présentaient une chaîne de conditionnement des bouteilles importante, car en quelques semaines, « 60 000 bouteilles quittent le Beaujolais. Véritable ruée sur l'or rouge où en France, comme à l'étranger, 25 millions de bouteilles sont vendues. »

Un vin de qualité ?

Le journaliste plaisantait sur l'effet de mode et la qualité approximative du vin qui importaient peu aux consommateurs, « peu importe, tous veulent l'avoir en même temps, à proximité du 15, comme le muguet. » Gaston Charle, de l'I.N.A.O. Villefranche-sur-Saône, confirmait la tendance. « Le beaujolais des jeux de boules de nos grands-parents a vécu. Le beaujolais des jeux, c'était des vins pratiquement naturels. Quoique, difficile de dire qu'un vin soit vraiment naturel puisqu'il faut supporter un certain nombre de transformations et de modifications qui font qu'ils se conservent. Sans quoi la destination première du raisin, c'est de faire du vinaigre. »

À l'Institut national des appellations d'origine, la qualité du vin était néanmoins garantie : « le beaujolais est en liberté surveillée : teneur en alcool, acidité de sa naissance à sa mort sur une table ou un comptoir. Il est goûté et analysé. (...) En outre, les rendements autorisés dans le vignoble, 55 hectolitres à l'hectare, restent raisonnables pour l'obtention d'un produit de qualité. Mais il y a comme ça des rumeurs tenaces, des jaloux, vous diront les vignerons du Beaujolais. »

« Pas d'inquiétude, donc, les gars du Beaujolais, dans l'ensemble, sont encore soucieux de la qualité de leur vin. Il n'y a pas que l'argent, il y a l'amour du produit », disait le commentaire. Des propos confirmés par Lucien Legrand, marchand de vin, « il y a des excès comme partout. À quel endroit n'y a-t-il pas d'excès quand les choses sont parfois un peu trop faciles ? Mais il y a chez eux une espèce de gyroscope qui ramène à la réalité en disant : attention les gars, il ne faut pas faire les cons. Jusqu'à présent, on a gagné, il ne faut pas trop tirer sur la ficelle. »

La réussite du beaujolais, elle était là : le sens des relations publiques, le sens de la fête. Le grand chef lyonnais Paul Bocuse résumait : « C'est un vin qui désaltère et qu'on peut boire à sa soif. C'est important (…) il y a de très bonnes années, et de bonnes années. »

Un « vin qui réveille »

Claude Marandon, œnologue, décrivait le rite de la dégustation, « quand on fait une dégustation, je crois que la première chose, c'est d'abord les yeux. (...) On regarde tout d'abord ce que l'on appelle la robe. » Elle est souvent légère aux reflets rouges.

Il poursuivait : « Le deuxième phénomène, c'est le phénomène olfactif. (...) Je dis souvent que le nez est une sentinelle avancée qui évite au palais beaucoup de désagréments. » Et enfin : « Le troisième élément étant la bouche, qui va confirmer un peu ce que nous avions dans le nez et nous donner d'autres éléments. En effet, là, ce sont les saveurs. Nous avons l'amer, le sucré, l'acide et le salé. Très peu de vins sont salés et nous allons trouver le sucré à certains niveaux de la bouche ou de la langue, de toutes nos papilles gustatives qui vont être en mouvement dans ce petit laboratoire que nous avons. Et puis, cette persistance aromatique. »

Une persistance dont la furtivité était propre au Beaujolais nouveau, peu tannique, il est facile à boire : « Si vous dégustez un Beaujolais tout court, vous allez avoir trois secondes, un Beaujolais-villages, peut-être en fonction du terroir, cinq secondes. Et puis peut-être que dans un Chiroubles ou un Moulin à vent, ou un Morgon ou Fleurie…, nous aurons dix secondes. Si vous dégustez un Château-Châlon du Jura, vous aurez 20 ou 25 secondes. Donc cette persistance va nous nous faire plaisir et agrémenter notre corps gustatif. »

Retour à Paris, où le cérémonial du vin nouveau bat son plein. « Même cérémonial à Paris et on respecte la tradition, car le primeur doit être bu debout. C'est un vin qui réveille. Buvez, éliminez la devise du vigneron. Beaujolais. »

Un vin synonyme de fête

Lucien Legrand, marchand de vin, évoquait ce vigneron, producteur de Beaujolais : « finalement, c'est un type heureux. C'est un pays heureux qui produit un vin qui rend les gens heureux. (...) Malheureusement et heureusement quand même, le Beaujolais n'est accessible qu'aux gens simples, aux gens qui ont un cœur d'enfant et qui ont envie de faire la fête. Et tous les autres, les pisse-froids, les jansénistes, les coupeurs de cheveux. Alors cela évidemment, ils ne pourront jamais comprendre le Beaujolais, mais ils ne comprendront jamais ni l'amour, ni la fête, ni la joie. Ce n'est pas fait pour eux. »

Le reportage se terminait sur la chanson du Beaujolais : « Tout est parfait dans le Beaujolais. » Et le journaliste de conclure, « Beaujolfric, allez, dîtes plutôt Beaujolfête. »

Pour les créateurs de contenus

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>>> Dans ce clip, Bernard Pivot nous livre l'origine de cette tradition, verre à l'appui.

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