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1969, Raymond Aron : "les valeurs de liberté sont toujours précaires"

1969, Raymond Aron : "les valeurs de liberté sont toujours précaires"

En 1969, Raymond Aron, journaliste, sociologue, philosophe et historien, évoquait la société de consommation de la fin des années 1960 et les lendemains de mai-68. S'il trouvait la révolte des jeunes "légitime" face à la déshumanisation du travail et à sa perte de sens, il appelait aussi à sauvegarder les progrès de la liberté.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 22.05.2020 - Mis à jour le 22.05.2020
 
En 1969, Raymond Aron, journaliste, sociologue, philosophe et historien, évoquait la société de consommation de la fin des années 1960 et les lendemains de mai-68. S'il trouvait la révolte des jeunes "légitime" face à la déshumanisation du travail et à sa perte de sens, il appelait aussi à sauvegarder les progrès de la liberté, au regard des sombres heures que sa génération avait traversées dans les années 30. 

« Je crois que les valeurs auxquelles je suis profondément attaché, comme les valeurs de liberté, sont toujours précaires, toujours menacées. Il est vrai qu’une partie de la société française ne veut pas ce que j’appellerais le prix du progrès économique. Ils souffrent de la rationalité de l’organisation, ils souffrent des grands ensembles, ils souffrent de perdre l’initiative, la liberté de choix. Et probablement n’aiment-ils pas beaucoup l’industrie moderne. La déception actuelle ou les désillusions d’aujourd’hui, c’est de reconnaître que l’industrie crée une société où les relations deviennent anonymes, où les hommes travaillent dans des ensembles gigantesques, où la communauté close et étroite disparaît. Et où par conséquent, il y a une nostalgie, soit de participation, soit de signification au-delà du travail. Personnellement, j’approuve cette revendication et cette nostalgie. Mais je ne voudrais pas qu’elles cherchent à se satisfaire simplement par la déraison et en détruisant ce qui, tout de même, pour la masse de la population, demeure la condition d’un sort amélioré. Vous voyez, je ne suis pas étranger à ces soucis, et je les comprends. Et je comprends que la société industrielle dans laquelle nous vivons, nous avons eu tendance à nous en satisfaire très facilement. Pour une raison très simple : nous avons connu la crise des années 30, et le fait que ayons résolu, au moins partie, cette crise des années 30, a donné à notre génération un certain sentiment de satisfaction. »

« Je trouve bien que la jeune génération soit insatisfaite. Mais je ne voudrais pas que dans son insatisfaction légitime, elle détruise la machine. La notion de société de consommation est devenue une notion péjorative. Mais en fait la majorité des Français souffrent de ne pas avoir accès aux biens, aux marchandises, aux choses que produit cette société. Alors dans cette protestation contre la société de la consommation, est-ce qu’il n’y avait pas aussi une révolte un peu puérile des enfants gâtés de la bourgeoisie qui possédaient déjà les biens, qui méprisaient les biens qu’ils possédaient, et qui oubliaient que la masse de la population en est encore à obtenir ces biens qui leur sont offerts avec tant de facilité ? »

« Je crois qu’aussi longtemps que l’on puisse regarder en avant, la vie de l’humanité sera difficile, sera chargée de conflits. Je crois que les valeurs auxquelles je suis profondément attaché, comme les valeurs de liberté, comme les valeurs de liberté, sont toujours précaires, toujours menacées. Qu’il n’y a pas de régime qui donne une garantie. Qu’il n’y a pas de régime parfait ! »


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