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1959, Yul Brynner, un acteur en quête de liberté

1959, Yul Brynner, un acteur en quête de liberté

Yul Brynner est mort le 10 octobre 1985. Le comédien américain aux origines russe, suisse et mongole aimait jouer sur le mystère de ses origines. Dans cet entretien accordé à Pierre Dumayet, il acceptait de se livrer dans un français parfait.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 09.10.2020 - Mis à jour le 09.10.2020
 

"Pour interroger cette énigme vivante, c'est un sphynx qu'il fallait [...] notre ami Pierre Dumayet nous a fait le plaisir de déchiffrer pour nous plusieurs paragraphes de ce code secret"..

Le comédien est à Paris à l'occasion d'un tournage, occasion saisie le magazine Cinépanorama pour obtenir une interview exclusive de cet artiste mystérieux et pourtant affable.

Dans une mise-en-scène stylée, l'acteur descend un grand escalier avant de se poster près du journaliste qui commence par lui lire quelques commentaires qu'il a pu obtenir de ses proches, notamment de l'actrice Deborah Kerr : "Yul Brynner exerce une sorte de fascination extraordinaire à laquelle on ne s'attendait pas". Il y a deux phrases également très répétées. L'une a été dite, semble t il, par votre habilleuse et l'autre par votre secrétaire. Votre habilleuse a dit "quand il me dit bonjour, je me sens mourir". Et votre secrétaire, "c'est le plus bel animal que j'aie jamais vu"... 

L'acteur éclate de rire et confirme, "on m'appelle surtout un drôle d'animal dans la presse"!

"Ce qui est important dans la vie de n'importe quel être humain, c'est ce qu'il a pensé, ce qu'il a fait"

Yul Brynner explique ensuite pourquoi il ne parle jamais des premières années de sa vie. Ce qui compte, c'est ce qui a été accompli. "Je ne trouve pas ça très important. En somme, d'où on vient ? Où on est né ? De quelle famille on vient ? Ça n'a aucune importance. Ce qui est important dans la vie de n'importe quel être humain, c'est ce qu'il a pensé, ce qu'il a fait, ce qu'il a accompli en lui-même, en tant qu'être humain ou dans son travail par lequel il s'exprime".

Pierre Dumayet tout de même intrigué, insiste un peu sur la question de ses origines et lui demande "il y a une douzaine de versions différentes concernant votre origine et les premières années de votre vie. Je ne vous demande pas laquelle est la vraie, mais je voulais savoir quelle est, de ces versions, celle qui vous amuse le plus, celle que vous préférez" ?

Yul Brynner joue le jeu et répond, "une version que j'adore. Je suis un Mongole suisse, né à Brooklyn. Il y a aussi une version assez répandue parmi les Français qui disent tout simplement que je suis vraiment français. Né à Paris, j'ai passé toute ma vie à Paris, sauf quelques mois en Mongolie. Mais celle que vous préférez, c'est tout de même la première ? Ah oui, c'est ça, c'est que le Suisse mongole est né à Brooklyn. Ce que j'adore le mieux. "

"j'ai commencé à travailler au cirque comme acrobate et en même temps..."

L'artiste discret accepte d'évoquer ses débuts professionnels, dès l'âge de 13 ans. "Oui, je n'avais même pas 13 ans. J'ai commencé à travailler comme guitariste dans les boîtes de nuit, ici à Paris, avec des Tziganes, surtout avec les Dimitrijevich qui étaient des grands amis et moi. Après ça, j'ai commencé à travailler au cirque comme acrobate et en même temps, j'ai commencé un apprentissage au théâtre avec des gens merveilleux comme Georges et Ludmila Pitoëff, puis des Russes qui étaient ici des anciens acteurs du Théâtre d'art de Moscou qui étaient réfugiés ici à Paris". 

Pierre Dumayet précise ce dernier point, "au cirque, vous avez eu un accident. C'est la raison pour laquelle vous avez abandonné le métier d'acrobate".
Il confirme, "oui, parce que j'avais beaucoup aimé ce métier. Mais quand je n'avais pas tout à fait 17 ans, je suis tombé du filet, au lieu de tomber dessus. Je suis parti d'un côté, je me suis cassé l'épaule gauche, les côtes, et c'est l'épaule qui est l'instrument le plus indispensable de l'acrobatie. Parce que notre vie dépend de ça. Et je n'ai pas pu continuer mon métier de d'Acrobate", déplore-t-il.

"On vous offre toujours  le même genre de rôles"

Le journaliste l'interroge à présent sur son image, "quel est le personnage que vous représentez pour votre public, selon vous" ?

"A Hollywood, il y a toujours eu une tendance à créer une formule pour chaque vedette. Je crois que la formule dans laquelle j'ai été le plus poussé, c'était de jouer un type extrêmement dur et vache même, avec un cœur d'or. Alors ça peut devenir très ennuyeux, parce que c'est très difficile d'en sortir de ce genre de choses. On voudrait jouer quelque chose de plus intéressant, de plus amusant, de plus gentil, si vous voulez, ou de plus drôle ou de carrément plus vache. Mais on vous offre toujours  le même genre de rôles".

Le personnage que vous interprétez en ce moment est semblable au précédent ?

L'acteur précise, "oui, celui là est un peu plus amusant parce que c'est même la première comédie que je joue depuis que j'ai joué Le roi et moi. C'est un chef d'orchestre qui a un tempérament fou, qui casse des violons sur les têtes de ses musiciens. Un type très amusant".

"Vous vous rasez le crâne trois fois par semaine avec un sabre ?"

Yul Brynner arbore un crâne totalement rasé et Pierre Dumayet l'interroge sur ce point, "il y a une question que je voulais vous poser tout à l'heure. On dit que vous vous rasez le crâne trois fois par semaine avec un sabre" !
Cette rumeur semble beaucoup amuser le comédien, "oui, je l'ai entendue, celle là aussi, on raconte beaucoup de choses. Non, non, je me rase simplement au rasoir électrique. Quand je me rase le visage, je continue comme ça..."

"Acteur, un métier que je n'avais pas choisi"

Le journaliste lui demande d'annoncer quelle décision sérieuse il a pris récemment, "Oui, la décision est assez simple. Il me faudra trois ans pour l'accomplir. C'est de quitter le métier d'acteur parce que c'est tout de même un métier qui n'est pas ce que j'avais choisi d'abord. Je me suis toujours entraîné pour être un metteur-en-scène et c'est ça que je veux redevenir. Le métier d'acteur est un métier merveilleux parce que, avec du succès surtout, on a un accès à un matériel merveilleux, n'est ce pas. Une littérature très intéressante et des gens merveilleux avec qui on travaille. Et il y a des acteurs à qui ça va très bien. Pour moi, je trouve le métier même, très bien et passionnant et intéressant et tout ça. Mais c'est le résultat qui m'est insupportable. Ça ne va pas".

"On perd une chose très précieuse, c'est la liberté..."

"Ça ne va pas quoi, votre gloire vous dérange" ? lui demande Pierre Dumayet.

Il confirme, "oui, ça me dérange si vous voulez. C'est pas ce que la gloire peut déranger, mais ça fait des choses à la vie d'un homme, qui plait à certains hommes, et à d'autres ça ne plait pas. Je n'aime pas l'attention. Je n'aime pas ne pas pouvoir marcher dans les rues sans être remarqué. A ce point, on pourrait me dire : mais pourquoi tu peux te laisser pousser les cheveux, puis mettre un chapeau ou une moustache ? Rien ne marche plus. On me reconnait même avec une barbe et un chapeau et des lunettes noires. Ça n'a aucune importance. On perd en somme une chose très précieuse, c'est la liberté d'un citoyen privé, alors c'est une grande perte".


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