LE CONTEXTE.
Au début des années 1970, le travail des ouvriers en imprimerie est répétitif et fatiguant. Certes les premières imprimantes et rotatives tournent à plein, il n'est plus question de placer les caractères à la main, ou de débrocher, préparer et coudre les cahiers. Mais, même si les techniques et les machines donnent un coup de main appréciable aux relieurs et couseuses, certains gestes épuisants persistent. La confection d'un livre relié et le travail de reliure, par exemple, est toujours extrêmement contraignant. Il consiste en une succession de manipulations : encoller, emboîter la couverture, lier les pages... autant de gestes précis et harassants obligeant à une concentration extrême.
C'est pour remédier à cette fatigue chronique responsable d'accidents du travail, d'arrêts maladie ou de malfaçons coûteuses que certaines usines commencèrent à la fin des années 60 à pratiquer la « gymnastique de pause » sur le lieu de travail. C'est ce que nous montre la jolie archive découverte dans notre fonds régional par nos équipes de l'est de la France.
L'ARCHIVE.
Nous sommes le 28 mai 1971 et le JT du soir de FR3 Alsace diffuse un reportage réalisé à l'imprimerie Union-Rencontre de Mulhouse. Les images patinées nous entrainent dans l'ambiance des ateliers où une grande majorité d'ouvrières s'adonnent en musique (du piano), avec une bonne volonté apparente (et des visages souriants), à quelques mouvements destinés à les détendre et à débloquer d'éventuelles contractures. La cheffe d'atelier interrogée n'y voit que des avantages, « Cette gymnastique permet une récupération physique et une récupération de la tension nerveuse également. Et il y a beaucoup moins d'accidents. Par exemple, si je prends le cas des couseuses, depuis que nous le faisons au sein de cette usine, les accidents sont moindres au cours de la journée ».
Tout le monde y gagne
La gymnastique n'est pas obligatoire et concerne aussi le personnel masculin, mais les hommes pratiquent d'autres exercices « plus poussés, plus virils ». Nous les retrouvons en costume-cravate dans un couloir isolé, éloigné des femmes. L'un d'eux (qui visiblement s'est coupé en se rasant) accepte de donner ses impressions. Il est déjà question de la sédentarité au travail : « Je pense que c'est très bien, car cela permet à des gens qui sont toute la journée assis, qui n'ont aucun mouvement, d'avoir un peu de détente, de relaxation et surtout des mouvements qui permettent de faire fonctionner des muscles qui au cours de leur travail ne fonctionnent pas. »
Le reportage se termine par quelques mots du chef d'entreprise, visiblement conquis par la gym au bureau qu'il recommande chaleureusement. Il explique que ces équipes ont constaté une réelle « une sensation de bien-être consécutives à ses séances de gymnastique » et éprouvé une vraie relaxation musculaire. Adieu les contractures !
La sédentarité liée au travail est un réel fléau. Selon Santé publique France, elle entraîne des effets majeurs sur la santé : une augmentation du risque de mortalité, de maladies cardiovasculaires, de cancers du côlon, du poumon et de l'endomètre, du diabète de type 2 et peut augmenter l'anxiété, la dépression et les troubles musculo-squelettiques.
Alors, comme les ouvriers de l'imprimerie du Haut-Rhin, peut-être faudrait-il adopter la gymnastique de pause sur le lieu de votre travail ou, à l'heure du télétravail, à la maison. Allez, c'est parti, une, deux, une, deux...
